Mise à fac de l’université
Avec la première version du projet portant sur l’organisation de la nouvelle Université, le gouvernement semble avoir confondu vitesse et précipitation.
« Il faut aller vite. » La phrase de Nicolas Sarkozy va bientôt devenir une véritable maxime républicaine. Le président l’emploie presque dans toutes ses allocutions. La France est en retard, et il faut vite y remédier, vite, vite ! Mais sur le projet de texte portant sur l’organisation de la nouvelle Université, l’équipe gouvernementale a semble-t-il confondu vitesse et précipitation.
A force de concertations éclaires, et de convocations à la va-vite, la majorité de la communauté universitaire s’oppose à ce texte. Le Cneser (Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche), s’est réuni le 22 juin dernier pour savoir quelle posture appliquer face au projet de loi. A 33 voix pour et 15 contre, l’assemblée rejette le texte, le « jugeant inacceptable en l’état ». Danièle Patinet, représentante dijonnaise, explique les conditions de cette réunion. « On a reçu la convocation pour le conseil le week-end pour le
vendredi. Et le texte sur lequel on devait émettre un point de vue nous a été envoyé trois jours avant. Ces négociations, c’est du tape-à-l’œil », s’insurge-t-elle. Mais les réformes n’attendent pas. Le Snesup (syndicat national de l’enseignement supérieur), dans un communiqué suite à cette réunion du Cneser « tient à protester vigoureusement contre le calendrier des discussions », « ces modalités, inacceptables et inédites, témoignent d’un mépris du dialogue social, de la communauté universitaire et des organisations syndicales. »
Même son de cloche du côté de l’Unef, syndicat étudiant proche de la gauche. « Ce sont de pseudo-concertations. Valérie Pécresse avait déjà sorti le projet de loi alors que les négociations n’étaient pas terminées. Sur toutes les propositions qu’a faites l’Unef, aucune n’a été reprise », affirme Thomas Moraux, un des membres de ce syndicat à Dijon, avant de continuer : « Ce n’est pas nouveau de faire passer les réformes qui fâchent pendant les vacances ! ».
Sur cette réforme au pas de course, l’argument principal de ses supporters est que l’« on est dans une période où il faut que les choses aillent vite. Les syndicats sont invités à la table des négociations. Mais on ne peut pas débattre pendant 107 ans », explique Damien Thieuleux, responsable de l’Uni (syndicat étudiant de droite) sur le campus dijonnais. « On parle de ce sujet depuis les années 1970. Prendre plus de temps pour les négociations, d’accord. Pour l’instant ce n’est qu’une étape. Après il y aura d’autres questions à prendre en
compte », commente-t-il. Malgré la confiance du responsable de l’Uni dans l’action gouvernementale, Sophie Béjean, présidente de l’Université de Bourgogne (lire l’interview page 10), s’interroge. « C’est vrai que cela a été vite. De plus, la concertation sur laquelle le gouvernement se fonde est très réduite. D’ailleurs l’avis du Cneser est significatif. »
Toutefois, le président de la République l’a annoncé le week-end dernier : « Pas de réforme sans moyens, pas de moyens s’il n’y pas de réforme ». Déjà que les universités n’en ont pas ou peu, cela ne va pas s’arranger. « En France, il y a un réel manque de moyens pour les universités. J’espère que ceux qui nous gouvernent vont faire ce constat, et savoir que l’avenir de la France passe aussi par l’attribution de moyens supplémentaires. On ne peut pas faire tous les paris sur cette Université, et dans le même temps penser que sans moyens en plus, cela pourra évoluer positivement », expose la présidente de l’université de Bourgogne. Toutefois, le représentant de l’Uni ne voit pas les choses de la même façon. « On ne peut plus se permettre d’investir dans un puits sans fond. Il faut mettre de l’argent dans un nouveau projet ». Forcément, sur ce dossier il y a deux écoles… et peut-être bientôt deux universités.
Mais les syndicats ont prévenu. Il n’y aura pas de mouvement contre cette réforme en septembre. Il y a les rattrapages, et ils ne souhaitent pas les troubler. Les organisations se contenteront de distribuer des tracts aux nouveaux arrivants, et devant les amphis où se dérouleront les épreuves. Mais en octobre…
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